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Comment la reconnaître et comment
gérer la maladie au sein d’un élevage félin ?Version imprimable
Il s’agit d’une véritable catastrophe quand la teigne est diagnostiquée au sein d’un élevage félin en raison :
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du bilan diagnostique coûteux et du traitement long et onéreux ;
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de la difficulté d’éviter la transmission aux autres chats de l’élevage (d’autant qu’il existe des porteurs sains) ;
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de l’espoir trop souvent contrarié de sa disparition que l’on voudrait définitive dans l’élevage.
Il convient de plus de ne pas oublier qu’il s’agit d’une zoonose avec transmission possible entre le chat et l’humain (l’inverse étant très rarement décrit).
La teigne est due à la présence d’un champignon filamenteux dermatophyte, Microsporum canis le plus souvent ou Trichophyton plus rarement. L’identification précise du champignon incriminé n’a pas d’incidence sur la gravité ni sur le traitement de l’affection.
La nature du champignon retrouvé a, par contre, de l’importance dans la recherche de l’origine de la transmission et donc pour la prophylaxie de la teigne. Microsporum canis est généralement impliqué dans une transmission animal-animal alors que Trichophyton provient habituellement de l’environnement. Le type de champignon responsable contribue ainsi à analyser les conditions dans lesquelles la maladie est arrivée dans l’élevage et aide, par là même, à s’en débarrasser.
Une des difficultés majeures tient au passage aisé de la maladie d’un animal à l’autre, et au fait que, dans un élevage, seul un petit nombre d’individus présente des lésions cutanées. Mais en tout état de cause, si UN individu est atteint, l’ensemble de l’effectif est porteur, ou peut le devenir à tout moment.
L’autre problème majeur, et non le moindre, sera celui posé par la désinfection impérative de l’environnement.
Le BUT de cette fiche technique est de décrire succinctement les éléments permettant de reconnaître et de gérer au mieux cette maladie et notamment de préciser, de façon la plus pratique possible, les différentes options de gestion lorsque la teigne apparaît dans une collectivité de chats.
Reconnaître la maladie :
Il conviendra de suspecter la teigne lors de la découverte sur un animal de lésions cutanées. Classiquement elles sont décrites comme nummulaires avec une alopécie centrale squameuse. Chez le chat les lésions sont très souvent diffuses et peuvent dérouter le clinicien. L’apparition de surinfections secondaires les rendent prurigineuses.
Trois types d’examens complémentaires pourront être proposés par le vétérinaire afin d’établir un diagnostic de certitude et avant de décider la mise en route d’un traitement spécifique :
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l’examen à la lampe de Wood : il n’a de valeur que si le résultat est positif et s’il est longuement et systématiquement réalisé sur toute la fourrure du chat (un bon examen à la lumière de Wood peut prendre 10 à 15 minutes par animal). Il faut savoir de plus que la lampe de Wood n’est efficace que lorsqu’elle est suffisamment chaude, ce qui accroît le temps de l’examen.
Toutes les souches de champignons ne montrent pas de fluorescence. -
l’ examen direct des poils , examen réservé à un vétérinaire expérimenté : cet examen, lui aussi, n’a de valeur que s’il est positif. Il ne permet cependant pas de préciser le type de champignon rencontré.
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la mise en culture du champignon après prélèvement de poils à la brosse à dent ou mieux à l’aide d’un petit carré de « moquette », passée sur et à la périphérie de la lésion, mais aussi sur tout le corps du chat, en insistant sur le tête, le ventre, les aisselles. Cet examen est indispensable pour le suivi de l’affection.
Si UN résultat est positif, il est recommandé de réaliser des prélèvements sur TOUS les animaux de l’élevage, pour apprécier l’importance de l’infection.
Comment procéder quand la maladie a été identifiée dans l’élevage ?
La première chose à faire est de réaliser un isolement strict des animaux ayant des lésions cutanées ainsi que des animaux asymptomatiques infectés suivant les résultats des prélèvements (porteurs sains). Ces animaux recevront, sous contrôle vétérinaire, un traitement topique (local) et systémique (général).
Le traitement systémique, avec l’Itraconazole (Itrafungol®) semble mieux toléré du point de vue digestif que celui plus classique à base de Griséofulvine (Grisefuline®). Cependant, le traitement avec l’Itraconazole est nettement plus cher et ce d’autant plus qu’il est nécessairement long.
Le traitement topique seul chez ces animaux est insuffisant et favorise la chronicité. Le praticien choisira parmi les différents traitements existant celui qui lui semblera le mieux adaptée à la situation présente.
Quant aux chats présumés sains de l’élevage (sans lésions cliniques et avec un examen direct et/ou une culture négatifs), ils pourront recevoir uniquement un traitement topique.
Il est à souligner que, du point de vue tolérance médicamenteuse, le traitement par voie générale systémique des chatons de moins de 2 mois est assez risqué. Là aussi, l’Itraconazole semble être la molécule la moins toxique. Le vétérinaire sera le seul juge en la matière.
Les femelles gestantes et allaitantes représentent également un cas particulier dans la mesure où chez elles, le traitement systémique est déconseillé compte tenu des effets tératogènes des antifongiques utilisables.
Un autre cas particulier concerne les animaux immunodéprimés. La recherche d’un immunodéficit chez le chat est de bonne pratique. Ainsi, un chat positif en FIV ou en FeLV devrait être écarté de la reproduction et de la vie en collectivité, et, lors d’immunodéficit patent, voir son traitement aménagé et restreint au seul volet topique.
Essai de méthodologie de contrôle de la teigne dans un élevage félin contaminé
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La première étape est de connaître le statut des animaux en réalisant des cultures sur tous les animaux.
L’idéal, ensuite, est de séparer les animaux en TROIS sites différents :-
Les animaux avec des lésions cutanées ;
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Les animaux sans lésion mais avec une culture positive (« porteurs sains » ou mieux « porteurs asymptomatiques ») ;
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Les animaux sans lésion et avec une culture négative (pièce propre)
En ce qui concerne les femelles gestantes et allaitantes, il est conseillé de les isoler avec leurs petits du reste de l’effectif jusqu’au sevrage, moment ou la mère et ses chatons pourront être correctement traités.
De même, il est recommandé d’arrêter la reproduction dans l’élevage le temps du traitement complet de la collectivité.Dans la mesure où seuls DEUX sites différents sont disponibles, il faut faire DEUX groupes :
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Les individus avec une culture positive , avec ou sans lésion cutanée ;
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Les individus avec une culture négative.
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Faut-il tondre ou pas ?
Cette mesure est difficilement acceptée par les éleveurs. Elle devrait néanmoins être proposée systématiquement chez les chats à poils longs présentant des lésions et aussi chez ceux présentant un examen positif à la lumière de Wood et/ou une culture positive. Cette tonte permet non seulement de diminuer le nombre d’éléments infectants mais aussi de faciliter l’application du topique antifongique. -
Traitement topique (= par voie locale) ou traitement systémique (par voie orale) ?
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L’application locale d’un antifongique permet de réduire le nombre de spores présentes sur la peau ou sur les poils. Elle atténue donc le risque d’extension des lésions et surtout limite la contamination du milieu extérieur. Ce traitement est très important en élevage. Répétons-le, il est donc indiqué chez les animaux présentant des lésions cutanées ou à culture positive mais aussi chez TOUS les autres animaux de l’élevage, sans lésion et à culture négative.
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Le traitement systémique général sera réservé aux chats avec lésions et/ou culture positive.
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Traiter pendant combien de temps ?
La durée est variable de plusieurs semaines à plusieurs mois, mais jamais inférieure à 6 semaines . De toute façon, il ne doit être arrêté qu’après obtention d’une culture redevenue négative chez tous les chats qui ont été positifs. -
Comment traiter l’ environnement ?
C’est un élément majeur de la gestion de la maladie dans un élevage car l’environnement joue le rôle de réservoir.
Les spores de Microsporum canis peuvent survivre jusqu’à 18 mois dans l’environnement. La contamination de toutes les surfaces et de l’air ambiant est donc forte, d’où un taux de contamination ou de recontamination considérable à partir de l’environnement.Mettre en place un « vide sanitaire » au sein des locaux. Après avoir éliminé les tissus ou autres arbres à chat à coup sûr difficilement nettoyables (par brûlage, si possible), un nettoyage mécanique préalable est nécessaire afin de réduire la charge infectieuse et donc d’optimiser la désinfection (eau de Javel diluée à 10 %). Puis il faut utiliser les antifongiques locaux (Enilconazole (Imaveral® ou Clinafarm®solution)) à 20 ml/litre. Une forme fumigène de l’Enilconazole est aussi utilisable (Clinafarm® générateur de fumée).
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Y a-t-il une prophylaxie sanitaire à proposer ?
La contamination d’un élevage indemne de teigne peut se faire au retour d’une exposition féline. Cela ne fait que rappeler l’importance de règles de base :-
contrôle vétérinaire refusant à l’entrée les chats à lésions cutanées,
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désinfection des tables et des mains des juges lors du jugement,
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bon isolement des chats en plébiscitant les cages personnelles,
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ne pas laisser caresser les chats par les visiteurs.
Il faut également mettre en place des règles très strictes lors de l’introduction d’un nouvel animal dans l’élevage : intérêt de ce que l’on peut appeler la « visite d’embauche » chez le vétérinaire de l’éleveur, avec mise en place d’une quarantaine.
Doit-on aller, pour tout nouveau chat introduit dans l’élevage, jusqu’à la culture fongique et la quarantaine d’un mois ? Dans l’idéal, oui mais ce n’est pas toujours facilement réalisable. -
EN CONCLUSION,
Dans un premier temps nous voulions appeler cette fiche « Eradication de la teigne dans un élevage félin ». Il s’avère que cette accroche était quelque peu présomptueuse et nous avons opté, non sans regrets, pour le terme plus réaliste de « gestion de la teigne dans un élevage félin ».
La gestion de la teigne dans un élevage ou toute collectivité de chats est une entreprise difficile, longue et onéreuse, nécessitant des locaux adaptés et adaptables parfois difficiles à trouver dans les élevages « familiaux », et nécessitant aussi une grande motivation de la part de l’éleveur et de son vétérinaire.
Sa réussite passe par une politique de hiérarchisation et de sectorisation des différents individus de l’élevage, associée à un traitement local et/ou systémique basé sur le résultat des prélèvements témoignant du degré potentiel d’atteinte des chats.